HUMA BIRD: Share the ride (2021) - Lemoncake Records

1. So Long (04:03)
2. Never Say Sorry (05:09)
3. My Haze Don’t Blow (06:24)
4. I See Love (05:13)
5. Sweet Mary (04:35)
6. So Many Times (03:22)
7. Blue Powder (03:35)
8. This Is Me (04:15)
9. You Will Know (06:33)

Hans Lorne : Vocals, Guitars (right speaker), Harmonica
Tonio Ripley : Guitars (left speaker), Background vocals

Fab Modola : Bass Guitar

Ben Gun : Drums

Invités :

Dave O’Grady : Keyboards

Muireann McDermott Long : Backgrounds vocals

Jérémie Abboud : Percussions

Hervé Brault : Pedal Steel Guitar

Virginie Briand : Tranverse Flute

Cela ne remonte pas à hier… Mais les lecteurs de Road to Jacksonville ont déjà eu un petit avant-goût de la musique de Hans Lorne, il y a longtemps (chronique en 2006 pour un EP paru en… 2004). En effet, nous avions chroniqué dans ces colonnes le mini-EP trois titres de sa formation d’alors (Black Berries, qui avait aussi sorti un premier CD quatre titres en 1998, et un album « complet » en 2000), en signalant à quel point ce jeune groupe nous semblait prometteur, à la charnière entre des influences à nos yeux fort sympathiques : le rock sudiste, et en particulier l’ABB, le rock psychédélique californien, un certain rock anglais énergique et les « jam bands ». Notre guitariste créateur de cette promesse, alors ancré en région parisienne, a fondé Huma Bird, oiseau mythique des légendes et fables iraniennes, ce qui rapproche le groupe d’autres oiseaux bien connus dans cet univers musical (The Black Crowes), pas de hasard ! Il est ensuite venu s’enraciner en Bretagne, ce qui n’est pas allé sans quelques problèmes pour les répétitions… L’éclatement géographique du groupe en raison d’obligations professionnelles a sûrement contribué à ralentir l’épanouissement d’une formation qui nous présente aujourd’hui son premier LP, « seulement » 17 ans après la sortie de l’EP chroniqué en 2006. Vous voyez les gars, vous qui ramez d’une répétition à l’autre en vous demandant quand vous pourrez concrétiser vos efforts, rien n’est perdu ! La persévérance finit par produire ses fruits !

Mais voyons plutôt ce que nous réserve cette galette fort attendue.
D’emblée, on sent un parti pris de ne rien déroger aux principes de base chers à son leader : certains aspects sont traités « à l’ancienne », ce qui n’est pas pour me déplaire et rappellera sûrement des bons souvenirs à quelques amateurs de ce genre de musique, comme la façon très didactique de positionner chacune des deux guitares dans une enceinte dédiée. Les jeunes guitaristes, dont je ne suis hélas plus, pourront se faire une idée de ce que représentent deux styles différents, deux approches différentes, et de la façon dont deux instrumentistes peuvent avec bonheur se compléter pour habiller un morceau. Cela ne branchera pas tout le monde, mais ça ne gênera personne et la démarche me fournit un vrai régal à l’écoute. Le premier morceau met tout de suite les pendules à l’heure. Hérité de la période Black Berries, l’interprétation que nous en fournit le groupe indique clairement la direction suivie ici : les guitares plus agressives qu’autrefois, un son juteux que je trouve absolument superbe, celui des lampes poussées à fond, ça ferraille de façon incisive sans la moindre lourdeur. Le chant se doit alors d’être plus hargneux pour se mettre au diapason, et cela fournit une belle intensité au morceau. Quelle belle entrée fougueuse en la matière ! L’intro de « Never Say Sorry » permet de jolie façon d’exposer les percussions de Jérémie Abboud. Plus posé, le titre repose sur les mêmes partis pris que « So Long », pour notre plus grand plaisir, mais rassurez-vous, ça « pousse » sérieusement quand même ! Les guitares couinent, avec un zeste de wah-wah pour celle de Hans, la rythmique propulse vigoureusement le tout et vous vous surprenez à arborer une banane béate. Changement soudain de programme : une basse hypnotique et des cuivres de batterie obsédants nous amènent dans un univers progressif proche de certains titres de Pink Floyd, vous savez, le « Live at Pompei ». Le feeling rampant du chant alterne avec des soubresauts de guitare, on peut imaginer les bulles de gaz s’échappant à la surface de la lave qui progresse imperturbablement. La pédale wah-wah de Hans vient finir d’emporter « My Haze Don’t Blow », autre morceau issu de l’univers Black Berries avec un arrangement très différent, dans un bouillonnant univers minéral. Plus que convaincant ! Le groupe enchaîne ensuite directement et sans temps mort sur l’énergique « I See Love » qui bénéficie du soutien puissant de l’orgue de Dave O’Grady avant que la gracieuse flûte virevoltante de Virginie Briand ne fasse basculer le morceau vers une coda tout à fait inattendue. « Sweet Mary » démarre par une intro tout en volutes soutenue par les claviers avant de proposer avec l’aide de Tonio vers des vocaux presque éthérés, un peu à la façon du « Sweet Emotion » d’Aerosmith, entrecoupés ici et là par un retour à la vivacité de l’intro avant de déboucher au final sur un joli duel de guitares. Beau boulot ! Beaucoup d’énergie encore avec « So Many Times » et « Blue Powder » qui voit apparaître les choeurs de Muireann McDermott Long. Ces deux titres donnent vraiment l’impression d’un rouleau compresseur, impression confirmé par le puissant « This Is Me », commencé pourtant de façon modérée, mais qui se conclue par l’opposition spectaculaire entre l’harmonica de Hans et la guitare de Tonio. En conclusion de l’album arrive une solide ballade avec quelques accords acoustiques soutenant les guitares électriques et la pedal steel guitar d’Hervé Brault : là on se rapproche de certains titres de Blackberry Smoke, avec un pont bien trouvé débouchant sur la prise de pouvoir des guitares, un coup électrique, un coup « roots », mais toujours très harmonieuses. Le titre se termine entre les invités à la pedal sµteel et à l’orgue. On en ressort… essoré, mais heureux. Cela valait le coup d’attendre ! Mais pour le prochain, ce serait peut-être pas mal de le sortir avant que quinze ans ne soient écoulés…
Si cette chronique ne vous a pas convaincus, alors allez voir le clip de « Sweet Mary » : le cabriolet Cadillac de la pochette est bien là, mais aussi une pittoresque Renault Juvaquatre Dauphinoise un peu moins clinquante... https://www.youtube.com/watch?v=FUiNemD-hDU&fbclid=IwAR1ULw7ay-OtuHJLehmU3UzxD65_HYIZY2aJliJWb4fvgWsEdRGb7Ym97io

Et puis si vous voulez faire plus ample connaissance avec le groupe et suivre son actualité : https://www.facebook.com/humabirdmusic/. La Bretagne est décidément propice à l’émergence de combos performants. Faut croire que l’air marin y est pour quelque chose… Précipitez-vous !

Y. Philippot-Degand